mercredi 18 octobre 2017

Dorothy Parker/ Fatiguée attitude


Dorothy Parker and Alan Campbell at their farmhouse in Bucks County, Pennsylvania, 1937



Dorothy Parker (1893-1967), l’une des plus lues des écrivaines de son époque, un vrai brûlot au flanc de l’Amérique puritaine – éclaira de son sourire malicieux les chemins de dérive de la Génération perdue.

Premier critique de théâtre femme à la revue Vanity Fair, mais trop virulente pour y rester, seule femme du cercle littéraire Algonquin Round Table avec Scott Fitzgerald, Dashiell Hammett, Robert Sherwood… Auteure de scénarios, militante pour la cause de Sacco et Vanzetti, membre fondatrice de la ligue anti-nazie, en 1936. Narquoise jusqu’à sa mort, si l’on en juge à l’épitaphe qu’elle laissa pour son incinération : “ excusez-moi pour la poussière”.

Les Hymnes à la haine sont-ils “de la poésie” ? Sorte d’épigrammes ou de pamphlets imprégnés de “wise cracking” – ce même humour new-yorkais où baignent les films de Woody Allen. Subversion du convenu aspergée d’une goutte de snobisme de bon aloi. Démarche destructrice portée par un égo fatigué, dîner de têtes fastueux. Qui hait-elle donc, Dorothy Parker ? La liste est longue (mais pas exhaustive) :
“ (…) les Femmes/elles me portent sur les nerfs. (…) les Hommes :/Ils ont le don de m’irriter (…)
les Actrices/Elles aussi me portent sur les nerfs… (…) la Famille/Elle me donne des crampes d’écriture ! (…) le Bureau/Il parasite ma vie sociale ! (…)
le Théâtre/Il mord sur mon temps de sommeil (…) les Livres/Ils me fatiguent les yeux… (…)
les Jeunes Loups/Ils donnent un coup de vieux
à mes artères (…) les Résidences d’été :/
Elles gâchent mes vacances (…)
Les Épouses/Trop de gens en ont.”


Ce qui ne lui attire pas que des amitiés.

Et puis, il y a ce courage extraordinaire d’affronter la Poésie du beau milieu de la rue, sans se priver du round burlesque où le comique fait la peau au jargon lyrico-sentimental d’une grande partie de la « poésie féminine » de l’époque. Le style « catalogue », une construction souvent théâtrale, des vers contaminés par les mœurs de la prose, des flashs verbaux qui rappellent un Oscar Wilde, par exemple, une langue de vipère qui dissimule la fragilité d’une fille désenchantée par les temps qui courent…

Dorothy Parker, Hymnes à la haine, traduit de l’anglais (États-Unis) par Patrick Reumaux, préface de Benoîte Groult, Ed. Phébus, 12 euros