lundi 20 septembre 2010

Gellu Naum/ un “ tigre phosphorescent ” en hiver

Dans la série poèmes pour enfants.
Dragos, ça te dit quelque chose? 

Voici une traduction du poète Gellu Naum, Discours pour les pierres. Si, une fois encore, la « filière » surréaliste roumaine occupe l’espace de notre lecture, c’est parce que le poète Gellu Naum, mort il y a un an, était, avec Gherasim Luca, le créateur du groupe «le plus exubérant, le plus aventureux et même le plus délirant du surréalisme international» (1). Avec tout ce que le mouvement affirme : rébellion, subversion du langage, goût du concret et dynamitage du convenu... Et que leur trajectoires se séparent car le territoire de leur langue devient autre : Luca écrit en français, à partir des 

années 50, Naum en roumain.
Après une courte période parisienne marquée par l’amitié avec Victor Brauner et une plongée dans le bain surréaliste où il rencontre René Char, André Breton... Gellu Naum retourne en Roumanie en 1940. A partir de là, il subit le destin de son pays : un départ en trombe (quatre volumes en deux ans) jusqu’en 1947, suivi d’un silence de vingt ans. Après, de petits aménagements de circonstance, des traductions, des livres pour enfants, aussi, comme d’autres poètes là-bas, assis sur des strapontins. Ainsi fit-il voyager ces enfants enfermés entre les murs du pays, accompagnant un pingouin triste dans ses aventures extravagantes jusqu’en Inde... Comme il voyage lui-même «sur le divan, dans l’ancienne forge», lui, «Le Voyageur incendiaire»d’autrefois, maintenant assagi : «sur de vieilles racines je dormais d’un sommeil noueux.»

La contemplation s’accompagne chez Gellu Naum d’une extraordinaire affluence des mots, la seconde est chargée ; le temps d’une cigarette est submergé du verbe ; «la Respiration faisait frémir les eaux et le roi des danseurs/kangourou géant caché dans sa propre poche marsupiale/ se noyait ou flottait (c’est la même chose)» ; la vie est plus que jamais parole, le rêve plus que jamais poésie. Le poète s’enracine, devient arbre, la phrase seule continue à bouger. Nous captons ses mouvements grâcieux, l’élégance d’une cavalcade d’images visuelles, l’ombre mélancolique et immobile de la maladie. Un « tigre phosphorescent » en hiver...

1. Sarane Alexandrian, le Surréalisme et le rêve, Gallimard, 1974.

Gellu Naum, Discours pour les pierres, traduit du roumain par Sébastian Reichmann, L’Age d’Homme, 15 euros

[(Publiée dans Regards, 7 janvier 2003] 

vendredi 17 septembre 2010

Philosophie poétique

Wittgenstein me revient en mémoire grâce à un ami. Et je ne peux m'empêcher de citer son assertion, pas si simple qu'elle paraît à première vue:


"Ce dont on ne peut parler, il faut le taire."
[Ludwig Wittgenstein]

jeudi 16 septembre 2010

Le Chat

Léonie, le chat
Quand mes yeux vers ce chat que j'aime
Tirés comme par un aimant,
Se retournent docilement
Et que je regarde en moi-même,

Je vois avec étonnement
Le feu de ses prunelles pâles,
Clairs fanaux, vivantes opales,
Qui me contemplent fixement.



BaudelaireLes fleurs du mal