mercredi 19 octobre 2011

Tu vois mon doux ami


Tu vois mon doux ami 
la rose qui se prépare
une main saisit le temps
pour tout le désormais
une arme lapidaire
plantée dans les pilastres
Graal sauvage des anges
sursis de leurs prières...



dimanche 16 octobre 2011

oras deschis


Ce are in ea
promisiunea unui oras deschis 
sub lumina lunii
lichid si palid 
cuvîntul
mi se împrastie in litere stridente
o digresiune fara sfirsit
devin
ochii tai înverziti de gînd
întregul
se întinde lenes
combinînd 
unghiuri de absenta
cu parfumul cafelei urmatoare
în promisiunea orasului deschis
sub lumina lunii





dimanche 10 avril 2011

“ Je m’oralise ”/ Ghérasim Luca



«Le plus grand poète français, mais justement il est d’origine roumaine, c’est Ghérasim Luca : il a inventé ce bégaiement qui n’est pas celui d’une parole, mais celui du langage lui-même.» Constat péremptoire, c’est le philosophe Gilles Deleuze qui le fait. Et pour cause. Gherasim Luca publia le Premier manifeste non œdipien vingt-cinq ans avant le célèbre Anti-Œdipe de Deleuze et Guattari. «Nous croyons que l’érotisation sans limites du prolétariat constitue le gage d’un réel développement révolutionnaire», écrivait-il, se fiant au pouvoir insurrectionnel de l’amour et exaltant «le désir de désirer». Double insurrection, contre le complexe d’Œdipe et contre la nature humaine.Une activité critique devant l’inconscient. Avec des titres d’une subversion latente : le Vampire passif (1945, Roumanie), la Mort mortel’Inventeur de l’amour (1947), la Négation de la négation. Le groupe surréaliste roumain, «le plus exubérant» de tous, fit même peur ailleurs.

Peu connu, inclassable – à côté des surréalistes mais éloigné d’eux, dans son exil parisien commencé dans les années 50 – ce poète habita la poésie au point de se suicider (en 1995, un pont sur la Seine plus loin que Paul Célan, l’autre exilé) déçu par un monde où elle n’a plus sa place. Romantisme ou jusqu’au-boutisme dans l’absurde, qu’il inscrit dans sa lettre d’adieu...

Imprimée, sa poésie se fait et se défait graphiquement, parcourant vigoureusement la page, entraînant l’œil dans ce cruel glissement du mot vers sa destruction, support fragile, syllabe ambivalente. Mais à la différence de Isou, inventeur du lettrisme – décomposition graphique, calligraphie absurde, en synergie avec la peinture – Gherasim Luca quitte le support visuel pour celui de la voix, le poème devenant une mise en scène de la parole, distorsion du mot, destruction de la langue, souffle, balbutiement de l’enfance du monde. Nous sommes au cœur du langage même, capable de se détruire et de se régénérer à l’infini : «le pas/ le pas/ le mauve/le mauvais pas/le mauvais pas pas/ (...) ne dominez pas vos passions passives... ne do/... » Un «théâtre de bouche», un work in progress où la seule voix du poète remplit ce rituel qu’il annonçait ainsi dans un texte théorique : « Je parcours aujourd'hui une étendue (...) où le poème prend la forme de l’onde qui l’a mis en marche. Mieux, le poème s’éclipse devant ses conséquences. En d'autres termes : je m’oralise... »

L’artiste Piotr Kowalski, qui travaille sur la sculpture du son, a pu modéliser un objet fait de tranches, «échantillons» du son émis par le poète quand il prononce, dans un de ses poèmes, le mot: «passionnément».

Un disque est sorti, qui renferme cette voix unique de la poésie. Sublime. À lire, après, toute l’œuvre du poète, commencée aux éditions Soleil Noir, vaillamment continuée chez José Corti...




Écouter: Ghérasim Luca par Ghérasim Luca, CD, distribué par Le Seuil, 200F, rayon poésie, FNAC.

Lire: Héros-Limitele Chant de la carpeParalipomènesThéâtre de bouchela Proie s’ombre, chez José Corti.



lundi 24 janvier 2011

Hiver



Inchis
în lada veche
trecutul se topeste încet
nume reci 
în agende dezvelite
neveniri descîntate demult 
scriitura descarnata
iarna
la marginea lumii





dimanche 23 janvier 2011

Cuvintele, eu...



cuvintele se strîng
in cutiile lor
invelite cu lumina grea
a asfintitului de toamna
adun în pumn
sunetul lor îndepartat
indiferent
ca un tropot de cal
pe o strada pustie
trec cu ele
vai întinse sub umbra mea
cuvintele
eu
urzirea ta vie


cuvintele
eu
o specie rara
a trecutului apropiat


cuvintele
eu
in soapta gîndind
taina ta


cuvintele
eu
cu gustul fantomei
în sînge


cuvintele
eu
inchisa într-un infernal ghetar
din fiordurile gîndului tau





Haïku, de Jack Kerouac



Après la route, Jack Kerouac s’installe dans une spiritualité nouvelle, le bouddhisme, dont il pratique moins le côté méditatif que celui littéraire. Séduit par le haïku, comme beaucoup d’autres poètes américains à la même époque, il devient « le seul maître du genre » selon Allen Ginsberg, le gourou de la beat generation. Ce volume en est la preuve, mais l’alchimie s’est produite dans ses romans aussi, où la phrase devient plus courte, « douce, avec un saut de pensée soudain ». Mélancolie et blues, trois lignes de suprême modestie, une poésie faite pour être dite ou chantée, des esquisses, comme le dessin commencé dans la rue par un peintre à la dérive. « Amérique : permis de pêche/le permis/De méditer ». On croirait presque ce qu’il écrit à sa traductrice italienne, toutes ses œuvres sont « de la poésie transformée en drame narratif ».


(Publiée dans Regards)

Jack Kerouac, Le livre des haïku, édition bilingue, La Table ronde, 
23 €